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Entre une ancienne casse automobile et un entrepôt désaffecté s'érige au dessus de la palissade métallique colorée, une courte phrase accompagnée d'une image et parfois d'un numéro de téléphone. Ici prochainement votre appartement, ce slogan s'étale dans toutes les banlieues chics ou populaires, pour peu qu'il reste quelques zones à aménager.

L'image est étrange, interchangeable, qu'importe le quartier, la ville, voire le pays. Que l'on soit à Saint-Denis ou à Issy-les-Moulineaux, à Pantin ou à Levallois-Perret, à Boulogne-sur-Mer ou à Marseille la représentation est identique : un immeuble neuf et décontextualisé de son environnement lors d'un jour ensoleillé, quelques passant jeunes et dynamiques, une femme enceinte ou un landau, parfois quelques enfants heureux de suivre docilement leurs parents, tous ce petit monde occupant l'espace autour de la future construction.

L'explosion immobilière des villes, et notamment celles de la petite couronne parisienne, à laquelle nous assistons depuis quelques années, révèle et redistribue les cartes de la sociologie urbaine. La hausse des prix tant dans le domaine locatif que dans l'acquisition n'a, en effet, laissé personne indifférent. Cette indifférence, qui pouvait exister lorsque la spéculation s'était polarisée sur d'autres secteurs que celui de l'immobilier, s'est évanouie au cours des cinq dernières années, imposant une prise de position, ou tout au moins une considération du phénomène. Achat d'un premier bien, vente d'un bien précédent pour une prise de bénéfice et réinvestissement dans un autre, spéculation sur la spéculation ( explosion de la bulle imminente. ? )

Cet affolement du marché révèle, donc, dans un premier temps, puisqu'il divise les usagers des villes en deux catégories : celle ayant la capacité de faire la demande et d'entrer en possession de leurs murs et celle devant se résigner au statut de locataire. Deux types d'habitant, l'un constatant incrédule les prix pratiqués, et l'autre calculette à la main tentant de rajouter quelques mètres carré pour la chambre du dernier au prix de cinq ans supplémentaire d'efforts financier à 4,90% TEG.

Dans un second temps, nous assistons à une redistribution, un brassage. Même si le terme est mal choisi, il s'agit d'un turn-over lié à l'inflation des prix d'un coté alors que d'un autre un plafonnement est imposé par certaines collectivités locales. S'ajoute à cela un phénomène, déjà énoncé dès le milieu des années 90 ( " Les grandes métropoles du mondes et leur crise " R.Guglielmo), de gentryfication auquel on assiste dans la capitale. Ces principes imposent aux couches moyennes et moyennes hautes de redéfinir la zone d'acquisition, et de s'expatrier bon gré, mal gré vers des terres soient plus abordables, soient plus saines. Un phénomène que nous pourrions mettre en équation selon les termes suivants :

formule

L'ordre des termes est, bien entendu, interchangeable en fonction des désirs et rêves de l'ensemble du ménage (parents finançant l'apport personnel compris).

Des rêves mis en images sur des panneaux de contre-plaqués. Ceux sont ces images et l'accumulation des panneaux dans les villes qui m'ont servi de point de départ pour ce projet. Ils sont à l'instar de certaines publicités de magazines à mi chemin entre la communication et la publicité. Un publi-communiqué à l'échelle urbaine, qui tout comme dans les revues, joue sur l'ambiguïté information/publicité ; réel/mensonge. On peut y lire ici se construit x logements dont on peut apprécier la future façade, mais seulement la façade, puisque l'image ignore le tissu urbain et la sociologie dans lequel le bâtiment s'inscrit. Nul ne peut savoir si l'immeuble est livré nu, s'il est habitable immédiatement, seule véritable information, un numéro de téléphone et parfois, au pied du chantier , un bureau de vente.

L'interface reprend le principe publicitaire car si l'affiche initiale est aussi chargée graphiquement qu'une affiche pour Leadl, rappelant, certainement, par ce principe qu'il s'agit là d'un bien de première nécessité, le graphisme, pour le projet, reprend l'idée d'une publicité tape à l'oeil, aux couleurs éclatantes où le prix coup de poing y trouve une place prépondérante.

Le projet, en lui même, réutilise ce principe réalité/mensonge présent dans les publi-communiqués. Les données disponibles sont bien réelles et les chiffres énoncés exacts mais leurs associations font fi d'une quelconque réalité sociale ou sociologique. La contextualisation inexistante dans le cas des affiches fait place, dans le projet, à un environnement interchangeable qui ne justifie en rien les écarts de prix qu'ils annoncent. L'accumulation d'informations, l'offre pléthorique des éléments qui sont offerts dans la base de données, permettent le mélange des styles et des catégories socio-professionnelles induisant, par ce principe, un mensonge chiffré ou pour le mieux, un rêve éveillé.

Serge Lhermitte (2006)