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Et Dieu créa la T.P.E
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Et Dieu créa la T.P.E, à la faveur d'une conjoncture plus porteuse.

La fin des années 90 a trouvé sa solution au chômage et à la relance de l'économie : réduire le temps de travail afin que tous nous le partagions. Le milieu des années 2000 à la sienne : n'attendons plus le bon vouloir des grandes entreprises à embaucher, ne rêvons plus à un emploi fonctionnarisé ; faisons preuve de dynamisme entrepreneurial, créons nos propres sociétés.

La P.M.E et son point de départ la T.P.E sont présentées comme la solution au chômage, la solution à une reprise économique et à la croissance enfin retrouvée.
Cette idée est relayée par la presse généraliste : une entreprise sur quatre ayant au moins un salarié, déclare avoir embauché au cours de premier semestre 2007... Le bâtiment reste toujours le secteur le plus dynamique avec au moins 30%¨d'embauche pour les entreprises d'au moins un salarié... Une entreprise sur cinq, y compris les entreprises individuelles,  envisagent de procéder à des recrutements, 1,3 en moyenne , un score supérieur de deux points à celui de 2006  Le Monde le 11/07/07, et par la presse plus spécialisée qui cible certaines niches actuellement plus porteuses :  autre raison du retard : la difficulté à recruter dans le B.T.P. La construction des cottages, des espaces de vie commune et les aménagements extérieurs, a mobilisé plus de 1000 personnes et exigés 500 000 heures de travail. L'obstacle majeur de la construction a été le manque de main-d'oeuvre. Nous avons dû aider Vinci Construction France en charge du chantier à recruter des ouvriers hollandais dans tous les corps d'état   Le figaro économique 22-23/09/07 à propos de la création d'un  village de loisir , dans l'Aisne.
Cette incitation à la mutation de l'univers de l'emploi et du travail, si dramatiquement décrite par J.P Menger dans son ouvrage  Portrait de l'artiste en travailleur , amorcée par le politique et encouragée par les milieux économiques correspond aux attentes des entreprises.
Je me servirais, comme pour les extraits ci-dessus, pour étayer mon propos, de ce qui se passe actuellement dans le monde du Bâtiment et des Travaux Publiques.

Flexibilité, mobilité sont des critères difficilement applicables aux employés des grandes entreprises, prisent dans le cadre de la législation du travail. Le recours toujours croissant à la sous-traitance permet de contourner ces problèmes. Ce principe de sous traitance en cascade, appliqué sans parcimonie dans l'univers du B.T.P, est un recours aux travailleurs indépendants qui flirte dangereusement avec une relation salariale déguisée. Mais c'est aussi, et peut-être avant tout, un système qui permet de pallier au problème de déplacement des équipes, de comptabilités des heures, d'économie d'équipe de RH pour jongler avec l'annualisation du temps de travail. Les petites et surtout les très petites entreprises qui sont les armées de la sous-traitance ne peuvent pas penser en termes d'économie de ressources humaines. L'objectif de ces structures est, avant tout, l'obtention d'un contrat et la satisfaction de l'entreprise qui rebascule le travail.

Le temps libéré pour les acteurs de ces T.P.E, n'est pas celui des employés. Il n'est plus synonyme de temps passé en famille ou aux loisirs mais peut être un temps d'attente, voir d'angoisse, entre deux contrats, deux chantiers. Un temps qui n'est plus libéré du travail, mais un temps d'inactivité subie. Le temps libre est de toute façon une période vécue différemment entre ces deux types de travailleurs. Il est pour le petit entrepreneur, souvent, un temps hors production mais rarement hors travail : création des devis, mise en ordre de la comptabilité.... où le dimanche est une régularisation de la semaine. Sous couvert d'être son propre patron (mais aussi souvent son unique employé), investi d'une autonomie plus grande, libre de toute hiérarchie (hormis celle du marché), ce nouveau travailleur consent à la porosité de ses univers tant sociaux que privés.
C'est de ce constat que le projet est né. Accepter, accentuer et travailler ses perméabilités : le corps de métier, le statut de l'entreprise, le bien être de l'individu...

Le second extrait de texte est édifiant dans ce qu'il suggère.
Il m'a fait inévitablement penser à ces images des années 40 aux Etats-Unis, où des champs de caravanes et de toutes autres formes de constructions mobiles s'étendaient autour des usines liées à l'effort de guerre. C'est de Histoire et des mouvements d'architecture de la reconstruction que c'est amorcée la forme du projet.
Le principe sur lequel elle repose, reprend certaines réalisations et préceptes de l'architecture utopique française et anglaise des années 50/60. L'habitat - un objet de consommation éphémère semblable aux produits électroménagers - se déplace comme le font les mobiles homes, l'intérieur de cet habitat se déplie selon les activités. Les éléments de façades, de nouvelles pièces, viennent se brancher sur la trame existante... Archigram développe à l'extrème des thèmes modernistes jusqu'à remettre en cause l'attachement de l'architecture au sol, sa permanence, parvenant ainsi à un au delà de l'architecture, immatérielle, gonflable, transparente ou invisible, telle la paroi d'une volière. (Alain Guilheux, catalogue de l'exposition Archigram, centre Georges Pompidou).
Mais ces développements, plus théoriques que pratiques, qu'ils soient d'Archigram, du G.E.A.M ou liés au mouvements situationniste proche de Debord ( Maisons mobiles de Véronique Willemin, ed : Anarchitecture) ont tous le point commun d'être liés à un contexte historique et économique particulier : celui des trente glorieuses et de la reconstruction en particulier. Ils diffèrent, dans le fond, de ce qui motive le projet dans le contexte d'aujourd'hui.
Cette courte période dans l'histoire de l'urbanisme et de l'architecture est essentiellement, liée à l'imagination qu'un nouveau monde va naître des ruines de l'ancien. La reconstruction et son besoin de mains-d'oeuvre font apparaître des flux migratoires internationaux. Exodes volontaires encouragés par les politiques et perçus par les urbanistes comme critère incontournable de l'homme moderne, le transport physique de l'individu sur l'échelle d'un territoire ou d'un continent est pressenti comme le phénomène majeur des décennies à venir. C'est pour beaucoup une réflexion d'anticipation à la mondialisation qui s'annonce inéluctable, mais à partir d'une mondialisation faite par et pour le déplacement des hommes et de leurs modes de vie. Car il ne s'agit pas uniquement de s'interroger sur les conditions de migration du travailleur, mais aussi de sa famille, de la forte probabilité qu'elle a de s'agrandir et des structures dont elle besoin pour s'épanouir. On ne peut certainement pas attribuer une cause unique à la raison de l'échec de l'aventure de l'architecture mobile. Les chocs pétroliers, le visage de la mondialisation actuelle, de ses mouvements de capitaux, de marchandises et d'informations, de flux qu'ils ont pensé humains et qui ne sont plus que lumière, sont autant de raisons qui justifient, à posteriori, cette si courte expérience. L'explosion de l'individualisme des années 80, ou le développement de l'appartenance régionaliste ou à un  terroir aujourd'hui, montre qu'il s'agit avant tout d'une erreur de projection dans l'avenir et dans la capacité à l'homme de modifier ses façons de vivre. Il est vraisemblable que sous l'impact de la seconde ère technologique, le besoin d'une maison (sous forme d'habitacle statique et permanent) en tant qu'élément de la structure psychologique de l'homme va disparaître , écrivait David Green, Archigram n°7, décembre 1966.
Ils pensaient que l'homme se déplaceraient pour produire. C'est le produit qui est venu à l'homme. L'individu et sa cellule familiale sont restées statiques , sédentaires.

Le nomadisme économique n'est lié, essentiellement, aujourd'hui qu'à deux grands facteurs :
Le transfert de compétence de haute technicité, d'une part, pour la formation d'autres populations dans le cadre de délocalisations de fabrications ou d'entretiens de produits et de services (ingénieurs de produits à hautes valeurs ajoutées : Airbus, Alstom, Areva, .)
Ou, d'autre part, à combler des niches d'emplois d'artisans dans des régions qui en sont dépourvues à un moment donné. (plombier polonais à Paris, artisans du B.T.P hollandais dans l'Aines, . )
Ce projet, intitulé Et Dieu créa la T.P.E, à la faveur d'une conjoncture plus porteuse... se nourrit de ces formes, il les détourne pour les adapter à un monde nettement plus désenchanté. Un monde où les mots d'ordres ne sont plus plein emploi et migration choisie (par l'individu), mais flexibilité et sous-traitance. Car si les architectes proches des situationnistes pouvaient prétendre contester, aux architectures mobiles, leurs aspects utilitaristes pour ne développer essentiellement que des structures de loisirs, je ne peux, pour ma part, qu'envisager de construire des modules où s'imbriquent intimement l'utilitaire et le loisir. Un espace de travail humanisé et personnel, un espace de vie, actif et solitaire.

Dans La R.T.T vous va si bien, je transformais l'espace social de l'employé en un espace plus privatif, plus intime par les photos et dessins du papier peint collés aux murs des bureaux.
Ce projet utilise la même démarche mais de façon plus radicale. Les espaces utilisés dans La R.T.T vous va si bien sont des lieux appartenant aux entreprises, on peut les adapter aux désirs des salariés, les personnaliser mais ils restent toujours propriété de l'entreprise. La transformation des lieux ne peut être que décorative et non structurelle.
Dans le cadre de Et Dieu créa la T.P.E, à la faveur d'une conjoncture plus porteuse... Les paramètres sont différents, la personne/modèle n'est plus un employé mais un entrepreneur qui possède son propre moyen de production. Or dans le cadre des T.P.E, surtout celles du secteur du B.T.P, les moyens de productions se limitent aux outils les plus courants et à un véhicule utilitaire pour déplacer l'ensemble. Pas de bureau ou d'atelier, tout au plus un garage qui sert de zone de stockage, l'autonomie et la mobilité étant les deux impératifs de ces petites structures.
L'espace transformable, personnalisable est donc celui du véhicule. Une personnalisation souvent déjà effectuée de façon succincte avec quelques éléments de récupération.

Ma proposition est donc de créer un espace, que j'appellerai module, aussi utile qu'intime.
Un espace modulable en fonction des corps de métier.
Un espace permettant le rangement dematériel qinsi qu'une extension sur un atelier temporaire.
Un espace, module, permettant l'extension de l'entreprise par le reccordement de plusieurs autres modules. Préfigurant un potentiel de développement de l'entreprise, dans le cadre d'embauche de 1 à 3 employés.
Un espace de représentation de son entreprise : un espace design, plus proche des salons d'apparts des grandes entreprises et des boutiques de la rive gauche de Paris que de celui des salles d'attente de retrait de marchandise de Leroy Merlin ou de Castorama et de l'univers mobilier de Fly.
Un espace dédié au travail mais dont la modularité amènerai, au fur et à mesure des modules, de l'habitabilité.

Un corps de métier : peinture,
Une localité : Paris.

L'espace intérieur du module joue sur plusieurs ambiguïtés ou contradictions.Il doit être à la fois le plus pratique et le plus adapté à l'activité de l'entrepreneur, mais il se doit d'être aussi la vitrine de l'entreprise, le reflet de la qualité et du professionnalisme de son propriétaire.
La conception, le design de cet intérieur ne sera donc pas tiré de l'univers du bricolage et de la débrouille dont ces espaces sont généralement issus mais au contraire de l'objet designé entre sculpture et objet d'art. La conception et la réalisation de cet espace s'inspirera, dans le choix de ses matériaux de ses matières et de ses formes, de certain mobilier de grandes entreprises ou d'objet de prestige destinés à une clientèle argenté.

C'est en commençant une recherche de formes que je me suis aperçu d'un retour aux motifs médiévaux, inspirés de l'univers végétal, dans le monde de la décoration et du design. Des papiers peint de Leroy Merlin au tissus d'ameublement de Lelièvre, des objets designés comme ce radiateur heatwave  en alu et béton de Droop Design en passant par la collection luxe  de puma de Marcel Wanders, voir même au détour d'une exposition au Palais Grassi, une oeuvre de Rudolf Stinger..., tous nous offrent ces même motifs végétaux qui s'étalaient sur les murs des demeures aristocratiques. Ces motifs nous sont livrés, plus ou moins, bruts sans réels appropriations ni détournements.
Le retour de ces formes m'a fait penser, par association d'idée, à la génèse de l'art nouveau. Les initiateurs de ce mouvement, fin XIXème siècle, souhaitaient mettre un arrêt aux productions rationalistes sèches, froides, sans âme, dont les formes ne sont dû qu'au moyen de production. Ils revendiquèrent un droit à l'esthétique grâce à des moyens de productions qui ne sont plus seulement asservis à la réalisation de l'objet mais aussi à sa forme. Les créateurs d'  Arts and Crafts  et William Morris en tête, redécouvrent le médiéval et l'art gothique, s'inspire de son lexique, pour créer le leur axés essentiellement sur des thèmes floraux.
Parti du même motif (motif floraux) et de sa même origine (son interprétation médiévale), les idées et les valeurs véhiculées, à un peu plus d'un siècle d'intervalle, me semble aux antipodes.
Les créateurs d'aujourd'hui, avec leurs formes si calquées sur les anciennes, reprennent les fantasmes véhiculés par les châteaux et l'aristocratie en règle générale, richesse, élégance, singularité, un soupçon voir un zeste de folie, en sommes la proposition est : transformer votre appartement en un somptueux château... L'art nouveau quand à lui cherchait à établir de formes nouvelles, héritées des anciennes, qui en les adaptant à l'industrie deviendraient accessibles à tous. C'est le rêve d'architecte comme Horta ou de Guimard en France avec la réalisation des premiers H.B.M. Le propos aurait pu être : Soyez vous même une nouvelle génération de châtelain.
C'est cette association d'idée qui a généré les formes de ce projet et développé l'envie de travailler à coté de la douce utopie de l'art nouveau. Une architecture qui n'est pas symptomatique des édifices parisien, j'en conviens, mais dont des oeuvres restent très symbolique de Paris. Le point de départ n'est donc pas le Castel Béranger, comme auraient pu le laisser penser ces quelques lignes, mais une autre production d'Hector Guimard à Paris : les bouches d'accès au Métropolitain.
Ces accès dont il existe plusieurs formes sont à la fois sculptures, enseignes et mobiliers urbain, utilisables par et pour tous. Une fonctionnalité que je souhaite développer dans ce projet, c'est donc avec une forme d'évidence qu'elles m'ont servi de source d'inspiration.

Serge Lhermitte (2007)