Mai 1999, c'est la fin des bombardements de l'OTAN, les européennes vont pouvoir vraiment commencer. Les mois précédents ont posé des problèmes relatif à l'Europe ; problèmes touchant tant les domaines économiques (Vilvord, fusions), énergétiques (désengagement du nucléaire allemand), santé public (vaches folles) que militaires (cohésion des forces armées européennes possible que grâce à la logistique américaine). Mais au lieu et place d'un débat, sur des questions dont les sujets étaient tout trouvés, nous avons l'impression d'être sur un terrain de manoeuvre pour formation politique : changement de tête de liste, terrain d'essai pour parti futur, apparition de parti nouvelle formule
.Sur les questions précédemment énoncées, on ne trouve que quelques réponses plus ou moins grossières. Mais tous les partis d'une voie commune, crient au danger de l'abstention.
Mai 1999, un peu plus tard, les panneaux électoraux sont en place, vingt listes sont en lice, en moyenne huit ont collé. Le vide appelle le vide, sur ces vingt panneaux alignés se trouvent, de façon clairsemés, une liste, un programme, un détail coloré dans la masse grise que constitue ces tôles alignées, un phénomène qui entraîne chez le passant que nous sommes plus de répulsion que d'attraction. (Pourquoi s'intéresser pour si peu, attendons que les douze autres nous proposent quelques choses et alors nous pourrons comparer.) L'absence de mobilisation du politique et la passivité de la population que cela entraîne m'ont paru grave. Ce genre d'attitude à l'heure de la mondialisation laisse le champ libre au pouvoir économique : c'est ce que j'ai voulu signifier par mon action. A chaque emplacement laissé vide par le politique, j'y ai placé, ce qui me semble être le symbole de l'économie mondialiste toute puissante : une affiche (offset), tirée à partir d'une photographie que j'ai faite, où figure le clown Ronald de l'entreprise Mc Donald. Le clown au second plan de l'image nous fixe, souriant, un peu inquiétant. Il semble être dans une boite, à moins que ce ne soit une cage. Au premier plan un énorme panneau de sens interdit prenant la moitié de l'image. Cette affiche est volontairement tirée en noir et blanc, brouillant les codes donnés par la couleur (le rouge du sens interdit, les codes couleurs de Mc Donald). Elle se différencie totalement de l'imagerie politique (portraits photo couleur, aplats de couleurs contrastées.) Pour accentuer ce phénomène, l'affiche ne présente aucun texte, aucun slogan ou note explicative. L'affiche reprend exactement les dimensions officielles (50x70) et ne couvre, comme je l'ai déjà dit que les panneaux non occupés, elle ne recouvre en aucun cas celles des formations politiques. Il ne s'agit pas par cette action de se positionner pour ou contre une idéologie de parti politique, mais de montrer les risques encourus par une non participation du politique comme de l'électeur.
Le fait d'utiliser le symbole d'une entreprise américaine pour les élections européennes peut paraître inconvenant, mais il porte en lui tous les risques de basculement dans le sordide d'un pouvoir économique qui se sentirait tout puissant.(mettre en note)
L'action s'est faite sur une petite échelle puisque je ne disposais que de 150 affiches. J'ai donc déterminé deux différents type de lieux, les uns populaires (Belleville, Goutte d'or,.) et les autres très proches d'institutions (bourse du commerce, palais Brognard, Louvre.) puis régulièrement je retournais sur les lieux d'affichages pour enregistrer (photographiquement) les attitudes des passants vis à vis de l'ensemble des panneaux électoraux
Fin Mai 1999 : résultat du scrutin 53% d'abstention, et le résultat est encore pire dans d'autres pays. C'est à la suite de ces résultats que j'ai pu déterminer mon choix : images d'indifférence. Peu importe l'endroit où nous nous trouvons, ce que nous faisons, nos activités quotidiennes ont plus d'intérêts que cette nébuleuse lointaine que les politiques n'ont pas su nous expliquer. Et l'image spectrale d'une économie mondialisée est encore là , derrière nous sournoisement présente.
Epilogue :
Août 99 : un certain José Bauvet intervient brutalement contre la construction d'un Mc Donald, se fait emprisonner, et s'attire médiatisation sympathie et soutient populaire.
Octobre 99 : le même à Seattle, où se déroule l'OMS, même élan de médiatisation sympathie et de soutient populaire.
Lors de ces deux actions les politiques une fois encore, se sont retrouvés incapables de prendre la balle au bond, reflétant le même 53% d'incompréhension ou de mépris les uns envers les autres.
Serge Lhermitte (1999)
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